BM – Le fer

Si le fer vient à manquer, les taux d’hémoglobine et de globules rouges baissent dans notre sang et l’oxygénation de nos cellules est affaiblie, avec en conséquence une baisse du métabolisme énergétique et donc une fatigue. On appelle cela l’anémie ferriprive (mais il existe d’autres causes d’anémie liées à des carences en vitamine B9 et B12).

Si le sujet de l’anémie est évidemment essentiel car très fréquent, ce n’est pas la seule chose à retenir sur l’importance du fer pour notre santé.

  • Un bon taux de fer est essentiel pour de très nombreux autres aspects de notre métabolisme : synthèse de neurotransmetteurs (dopamine, noradrénaline), activité de détoxication, métabolisme thyroïdien, immunité, activation de l’hormone D…
  • Un taux trop élevé de fer dans notre organisme est également très néfaste à la santé. On en parle beaucoup moins, mais dans les consultations de santé fonctionnelle on peut mesurer son impact : fatigue, troubles articulaires (mains, pieds, genoux), douleurs abdominales, troubles de l’érection et troubles métaboliques. Les excès de fer sont en effet à l’origine d’un important stress oxydant toxique pour les cellules.

D’autre part, il faut savoir que le métabolisme du fer a une grande particularité. Notre organisme le recycle en permanence, si bien qu’il est « prévu physiologiquement » qu’on absorbe et qu’on perde des quantités très modestes de fer (environ 1 mg/jour).

Ceci est une notion clé, car elle permet de comprendre que notre physiologie présente une inertie importante pour corriger des pertes excessives chroniques (typiquement : les règles abondantes pour prendre la cause la plus courante) ou des excès d’apports réguliers (excès de consommation de viande rouge). Une femme qui a des saignements abondants chaque mois présentera donc un taux de fer bas, car sa physiologie compensera mal les pertes de ce micronutriment.

l’intérêt du dosage du fer (plus exactement de la ferritine) est double :

  • Ne pas laisser s’installer carences ou excès trop importants, car il y a une forte inertie de notre organisme pour remettre les pendules à l’heure.
  • Suivre l’effet des corrections nutritionnelles ou micronutritionnelles proposées, car les résultats sont longs à venir et incertains.

Indications du dosage de la ferritine

Le bilan du fer ou bilan martial comprend plusieurs marqueurs biologiques : le dosage du fer sérique, la ferritine, la transferrine (et sa saturation), et éventuellement le récepteur soluble de la transferrine et l’hepcidine.

En santé fonctionnelle, on se concentrera sur le dosage de la ferritine, protéine dont le rôle physiologique est le stockage du fer dans les cellules (principalement hépatiques).

La ferritine que l’on dose dans le plasma (donc hors des cellules) est malgré tout un bon reflet des réserves cellulaires et tissulaires en fer.

Le dosage de la ferritine est quasi systématique dans une consultation de santé fonctionnelle, tant il fait partie d’un bilan de santé de base.

On le proposera notamment beaucoup chez les femmes, qu’elles soient en âge de procréer (car plus de 40 % d’entre elles sont soit en déficit, soit en excès de fer), ou qu’elles soient ménopausées (car le problème devient alors l’excès de fer).

Cependant, il y a de nombreuses situations dans lesquelles ce dosage devient même incontournable :

  • Situations cliniques évoquant une carence : fatigue physique, fatigue musculaire, fatigue psychique, dépression, baisse de l’attention, trouble de la mémoire, baisse de performance intellectuelle, syndrome des jambes sans repos (« impatience »), perte de cheveux, maux de tête, vulnérabilité infectieux, etc.
  • Situations d’excès de perte de fer : règles abondantes, maladie inflammatoire de l’intestin (Crohn, RCH), don du sang, hémorroïdes, sport intensif, etc.
  • Situations de besoins augmentés : grossesse, allaitement, sport intensif…
  • Situations de défaut d’apports : régime végan, végétarien et même flexitarien…
  • Situations de défaut d’absorption : hypochlorhydrie (sujet âgé, utilisation d’IPP, stress chronique, hypothyroïdie), gastrite, leaky gut syndrome, maladie cœliaque, chirurgie gastrique, régimes riches en céréales complètes ou soja, gros buveurs de thé noir ou café pendant les repas, etc.
  • Situations d’excès d’apport ou d’absorption : régimes riches en viande rouge, consommation d’alcool, etc.

Particularités et lecture du dosage de la ferritine

L’estimation des réserves

On retiendra trois seuils importants :

  • Réserves de fer extrêmement basses : ferritine < 15 µg/L
  • Réserves de fer faibles : ferritine entre 15 et 30 µg/L
  • Réserves de fer optimales : ferritine > 70 à 80 µg/L. On considérera ce taux comme la valeur cible pour une santé optimale. C’est d’ailleurs cette valeur qui est visée par les hématologues lorsqu’ils pratiquent des saignées sur des sujets en hémochromatoses (excès de fer) : preuve qu’il s’agit bien d’une valeur santé.

L’anémie

Les seuils à partir desquels l’anémie ferriprive va se manifester (la carence en fer impacte la synthèse des globules rouges) sont très variables d’un individu à l’autre. Mais de manière générale, on retiendra :

  • Ferritine entre 15 et 25 µg/L : anémie latente (soit presque 40 % des femmes en âge de procréer)
  • Ferritine entre 5 et 10 µg/L : début d’anémie
  • Ferritine < 5 µg/L : anémie franche

Les excès de fer

L’hémochromatose est une maladie génétique qui entraîne une augmentation de l’absorption du fer. Or, comme nous l’avons déjà évoqué, notre corps est très mal équipé pour se débarrasser des excès de fer. Ainsi, en cas d’augmentation de l’absorption, ce dernier va s’accumuler. Les chiffres donnés pour la fréquence de l’hémochromatose dans la population européenne sont assez variables : certaines données évoquent 1 personne sur 300, d’autres 1/100. Cette absence de consensus est due à une définition clinique et biologique floue. D’un point de vue biologique, certains parlent d’hémochromatose à des taux de ferritine supérieurs à 1 000 µg/L, quand d’autres évoquent des valeurs supérieures à 300 µg/L pour les hommes et 200 µg/L pour les femmes. Cette variabilité dans les seuils biologiques pour définir l’hémochromatose est liée au fait que c’est une problématique génétique se manifestant à divers degrés.

Un gène est principalement impliqué dans cette absorption excessive du fer : on l’appelle le gène HFE. Certaines personnes portent deux copies de ce gène muté (une version du père et une de la mère) : ils sont dits homozygotes pour ce gène HFE (1 personne sur 200 dans la population européenne). D’autres portent une seule copie de ce gène muté venant de la mère ou du père : ils sont dits hétérozygotes pour le gène HFE (8 % de la population européenne). L’impact de la mutation génétique est très différent suivant que l’on est homozygote ou hétérozygote :

  • Chez les homozygotes HFE, 70 % auront des ferritines au-delà des seuils évoqués ci-dessus. Mais seulement 10 % développeront les formes graves de la maladie. Ils doivent évidemment faire l’objet d’un suivi médical rapproché. Cela dit, même s’ils ne développent pas de forme grave, l’impact fonctionnel des excès de fer est sans doute très sous-évalué. En effet, comme on l’a vu dans la première partie de cet ouvrage (page 41), la médecine ne s’occupe que de la maladie. Les troubles fonctionnels, dont les caractéristiques cliniques sont moins définies, passent souvent sous les radars ! Par exemple, il semble que les sujets homozygotes HFE présentent de forts risques de tableaux cliniques fibromyalgique
  • Chez les hétérozygotes, l’impact paraît très faible, mais n’est probablement pas nul.

Inflammation et ferritine

Il faut savoir que les stocks de fer vont spontanément augmenter en cas d’inflammation. Une ferritine peut donc se trouver augmentée dans un dosage à cause d’une inflammation. C’est un mécanisme de défense de notre organisme en cas d’infection appelé « immunité nutritionnelle » : il capte le fer afin que ce dernier ne soit pas disponible pour les bactéries qui adorent s’en nourrir. Il faudra donc se méfier des valeurs de la ferritine dans tous les contextes de pathologie infectieuse (virale, bactérienne) ou inflammatoire (maladie auto-immune, par exemple la spondylarthrite ankylosante). À noter cependant que les inflammations dites de bas grade, très courantes dans les consultations de santé fonctionnelle, ne feront pas augmenter la ferritine.