BM – Biologie du terrain inflammatoire
La question que l’on va se poser avec ces biologies est simple : aurons-nous à gérer chez un patient donné un terrain pro-inflammatoire ou au contraire serons-nous en présence d’un terrain qui va avoir tendance à moduler, à tempérer la réponse inflammatoire ?
La vitamine D
Nous avons déjà rencontré l’une des principales biologies du terrain inflammatoire, celle de l’hormone D. L’hormone D est une grande modulatrice de la réponse inflammatoire, notamment en orientant d’une certaine façon les réponses du système immunitaire. On proposera son dosage dans toute pathologie inflammatoire (par exemple : maladie auto-immune) ou dès que le bilan clinique fonctionnel révélera la présence d’inflammation (par exemple : gingivite, parodontite, douleurs musculo-squelettiques, fibromyalgie), mais plus largement encore dans toutes les pathologies de civilisation dans lesquelles il a été montré que l’inflammation chronique joue un rôle prépondérant (cancer, maladie cardiovasculaire, maladie métabolique, infection chronique). En réalité, la liste serait très longue si on voulait être exhaustif sur toutes les indications de dosage de l’hormone D.
Le bilan des acides gras érythrocytaires
Nous allons parler beaucoup plus largement de ce dosage des acides gras, car il fait sans doute partie des bilans nutritionnels et fonctionnels les plus importants des consultations de santé fonctionnelle, et il est le meilleur bilan du terrain inflammatoire dont nous disposions.
Nous allons donc effectuer une analyse pour doser les acides gras dans les globules rouges (qu’on appelle aussi des érythrocytes).
Pourquoi doser les acides gras dans les membranes des globules rouges ?
Toutes nos cellules sont entourées d’enveloppes fluides et vivantes que l’on appelle les membranes cellulaires. Il faut savoir que ces dernières sont constituées en grande majorité d’acides gras. D’où proviennent-ils ? De nos assiettes ! Les acides gras que nous consommons vont directement se retrouver dans les membranes de nos cellules. En pratique, on va analyser les acides gras des membranes des globules rouges, car ce sont des cellules très faciles d’accès et obtenues en grandes quantités avec une simple prise de sang.
Analyser les membranes de ces cellules sanguines a un autre intérêt. Les globules rouges ont une durée de vie de 120 jours. Ainsi, leur membrane va refléter la diète des gras des 4 derniers mois !
Comment se présente ce type de dosage et que permet-il d’interpréter ?
Le dosage des acides gras érythrocytaires révèle la présence, la présence en excès ou en déficit de toutes les grandes catégories d’acides gras :
- Les acides gras saturés
On les trouve surtout dans les aliments d’origine animale (viandes, beurre, produits laitiers), mais aussi dans certains produits végétaux qui en contiennent de grandes quantités (noix de coco et palme notamment). Ainsi, on retrouve ces acides gras dans tous les produits transformés qui contiennent de l’huile de palme : biscuits, charcuteries, pâtes chocolatées, préparations industrielles. Ces acides gras saturés ont mauvaise réputation, or dans l’ensemble elle est fondée ! L’acide palmitique (on en trouve 50 % dans l’huile de palme) est de loin le plus dangereux de tous. Il est en effet pro-inflammatoire (il favorise l’inflammation) et est impliqué dans de nombreux processus morbides : cardiovasculaires, maladies inflammatoires, maladies auto-immunes. Il faut globalement limiter les apports de gras saturés pour limiter l’inflammation. L’analyse nous permet de personnaliser cette recommandation générale. Les études montrent que la présence d’acides gras saturés est associée à des taux plus élevés de marqueur de l’inflammation (CRP ultrasensible). - Les acides gras mono-insaturés
C’est aussi une grande famille dont le membre le plus célèbre est l’acide oléique, présent surtout dans l’huile d’olive, de noisette et de colza, ainsi que dans l’avocat. L’huile d’olive qui contient 70 à 80 % d’acide oléique est l’aliment le plus caractéristique du régime méditerranéen (voir page 207), lequel a été reconnu par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2010 ! En regardant la teneur en acide oléique dans les globules rouges d’un patient, nous aurons donc une idée de la façon dont il a intégré ce patrimoine à ses cellules ! L’acide oléique contribue grandement à modérer l’inflammation. - Les acides gras trans
De manière générale, la configuration biochimique « trans » confère à ce type d’acide gras des propriétés favorisant l’inflammation. Aussi, on les fuira comme la peste. On les retrouve dans les produits industriels dont les huiles ont subi une hydrogénation partielle. La présence en excès d’acide gras trans se voit très bien dans le bilan. Si c’est le cas, il faudra conseiller d’éviter : les produits dont l’étiquette porte la mention « huile hydrogénée ou partiellement hydrogénée » ; les margarines (restauration collective aussi notamment) ; les biscuits et pâtisseries industrielles ; les fritures. Il faut aussi éviter de chauffer fortement l’huile d’olive : son acide oléique se transforme en un acide gras trans, l’acide élaïdique. Dès lors, non seulement on perd le bénéfice santé de l’huile, mais on absorbe un produit toxique ! - Les omégas 6
Les omégas 6 sont une famille de molécules. Le précurseur de cette famille, c’est-à-dire la molécule à partir de laquelle toutes les autres sont fabriquées est l’acide linoléique. C’est un acide gras que l’on qualifie d’essentiel, car ne sachant pas le synthétiser on doit nécessairement le retrouver dans l’alimentation (comme une vitamine). On le trouve dans les céréales, les graines et leurs huiles (tournesol, maïs, soja ou pépins de raisin). L’acide arachidonique (acronyme AA), qui découle de l’acide linoléique, est l’oméga 6 le plus pro-inflammatoire. Il se trouve notamment dans les viandes, surtout celles issues de l’élevage intensif, car les animaux y sont nourris avec de grandes quantités de maïs, qui contient beaucoup d’acide linoléique. C’est en partie à cause de sa forte teneur en acide arachidonique que la viande rouge favorise l’inflammation. - Les omégas 3
Les omégas 3 sont une famille de molécules. Le précurseur de cette famille est l’acide alpha-linolénique qui, lui aussi, est essentiel. On le trouve dans les graines et leur huiles (lin, cameline, colza, noix), mais aussi dans les graines de chia et de lin. Les autres omégas 3, notamment ceux communément appelés par leur acronyme, EPA et DHA, sont surtout trouvés dans les produits animaux. Les poissons gras en contiennent de grosses quantités notamment, mais aussi les aliments issus de la filière du lin : œufs et volailles estampillés Bleu Blanc Cœur (France) ou Columbus (Belgique). L’EPA (acide eicosapentaénoïque) et le DHA (acide docosahexaénoïque) sont des éléments clefs à regarder dans le bilan des acides gras, car ils sont fortement modulateurs de l’inflammation.
Le terrain inflammatoire dans le bilan
On constate à travers cette description des différents acides gras retrouvés dans le bilan que toutes ces familles de molécules ont des rôles dans la gestion de l’inflammation. Cependant, deux acides gras vont nous donner une appréciation particulièrement précise du terrain inflammatoire : il s’agit de l’EPA et de l’acide arachidonique (AA). Plus précisément, ce bilan va nous permettre de calculer un rapport AA/EPA qui est sans doute l’un des meilleurs marqueurs du terrain inflammatoire.
Ces molécules vont impacter l’inflammation : Imaginons une bactérie très pro-inflammatoire qui traverse la muqueuse intestinale. Nos globules blancs vont l’identifier comme élément pathogène et activer un mécanisme cellulaire inflammatoire dont l’aboutissement, aussi étrange que cela puisse paraître, est le décrochage par une enzyme d’acides gras contenus dans la membrane cellulaire :
- Si la membrane contient beaucoup d’acide arachidonique (AA) parce que vous avez une assiette très riche en mauvais gras, c’est cet acide gras qui va être majoritairement décroché. À partir de cet acide arachidonique décroché de la membrane, la cellule va alors fabriquer de nombreuses molécules pro-inflammatoires.
- Si la membrane contient beaucoup d’acide eicosapentaénoïque (EPA) parce que vous avez une assiette très riche en omégas 3, c’est cet acide gras qui va être majoritairement décroché. À partir de l’acide eicosapentaénoïque décroché de la membrane, la cellule va fabriquer de nombreuses molécules modératrices de l’inflammation.
Un rapport AA/EPA élevé signifie qu’il y a beaucoup plus d’AA que d’EPA, et que donc la résultante du décrochage des acides gras de la membrane va être très inflammatoire.
Un rapport AA/EPA bas traduit au contraire un terrain qui va modérer l’inflammation. Idéalement, ce rapport AA/EPA doit être inférieur à 3. Il l’est rarement. On trouve plutôt des valeurs autour de 15-20.
Le rapport AA/EPA augmenté est associé à de nombreuses pathologies ou risques inflammatoires : cardiovasculaire, cancer, orage cytokinique dans la COVID, etc.